L'église de Chissey est surtout réputée pour ses fameux babouins. Par ce terme, on désigne les 64 modillons ( ou corbeaux ) sculptés qui soutiennent la corniche que l'on peut observer le long des murs de la nef centrale.
Leur origine.
On ne sait que bien peu de choses sur ces moulages présents à l'intérieur de l'église. Ce que l'on peut supposer, c'est qu'ils dateraient du Moyen-Âge mais étrangement, si l'on trouve ce type de sculptures ailleurs, elles sont toujours à l'extérieur des édifices, comme c'est le cas, par exemple, à Mercus, en Ariège. D'ailleurs, sur les façades du clocher de l'église de Chissey, on peut voir un modillon entre les abat-sons. De fait, les modillons se trouvaient peut-être à l'extérieur.
Une explication possible sur leur présence en ce lieu.
Depuis le Moyen-Âge, Chissey était connu pour accueillir un pélerinage des fous où l'on conduisait des personnes malades mentales ou atteintes de tares physique, particulièrement durant la neuvaine qui précédait la fête de Saint-Christophe, patron de l'édifice. Les malheureux étaient enfermés durant neuf jours dans une pièce du clocher appelée la "chambre des fous". Saint auxiliaire, Christophe était aussi présenté dans la version orientale de sa légende comme faisant partie d'une tribu, les Cynocéphales. Or, le philosophe Aristote avait classé plusieurs animaux parmi les cynocéphales ( animaux à tête de chien ) dont les babouins. Par ailleurs, dans le patois local, babouiner signifiait "faire l'idiot, faire le fou". On espérait donc rappeler à Christophe ses origines pour qu'il intercède en faveur des malheureux qui lui étaient confiés.
Il semble aussi que ces modillons aient servi de support à la corniche qui soutenait la charpente ( beaucoup plus basse qu'aujourd'hui ) de la nef ayant brûlé au XVIIème siècle. D'ailleurs, c'est après cet incendie que la nef a sans doute été réhaussée comme l'atteste le millésime d'une des clefs de voûte, 1699.
Le pélerinage au cours duquel avaient lieu des exorcismes donnait lieu à toutes sortes d'excès si bien qu'il fut interdit par le Parlement de Dole en 1578. Néanmoins, il a perduré jusqu'à la Révolution française et d'ailleurs, deux cas de guérison sont mentionnés dans les registres paroissiaux de 1699. Par la suite, jusque vers 1990, le pélerinage a pris une autre forme, à travers la bénédiction des véhicules pour la fête de Saint-Christophe le 25 juillet. Ainsi, le saint était-il invoqué pour aider d'autres "fous", ceux-là plus modernes et pouvant sévir sur les routes des campagnes environnantes.
Ce qu'ils représentent.
Si l'on observe ces figurines, certaines représentent clairement des visages: on peut ainsi voir le roi des fous, des hommes ayant un goitre, d'autres aux visages énigmatiques, des siamois, des ravis, des cyclothymiques... D'autres représentent des plantes, vraisemblablement des plantes médicinales utilisées pour soigner telle ou telle pathologie. Enfin, certains semblent ne rien représenter de vraiment concret, peut-être sont-ce des réalisations d'apprentis tailleurs de pierre.
La légende.
Les habitants de Chissey sont nommés les Babouins ou les Fous par les villageois des alentours. Une légende raconte qu'un jour, Dieu se serait mis en colère contre les paroissiens. En effet, au lieu de regarder pieusement vers le chœur, ils avaient, dit-on, toujours le nez en l'air à regarder ces figurines. Le châtiment fut que les habitants de Chissey donneraient naissance à des enfants ayant des traits aussi grotesques que les figures présentes dans leur église.
Pour voir quelques photos de ces "babouins", cliquez ici.
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